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5 Août 2020, je m’assois sur mon canapé pour commencer la rédaction de cet article. Les caméras du monde entier sont tournées vers la catastrophe qui vient de toucher le port de Beyrouth. Les experts se succèdent pour nous rappeler la situation politique du pays. Dans un hors-sujet des plus ridicules, surgissent à nouveau les vieilles théories conspirationnistes accusant le Hezbollah et la Syrie d’être impliqués dans le meurtre de Rafic Hariri. On tourne en dérision les suspicions visant Israël dans la tragédie qui vient d’avoir lieu. Pourtant Israël est loin d’être étranger à l’utilisation du terrorisme d’Etat.

Revenant du très certainement meilleur projet auquel j’ai pu participer jusqu’à aujourd’hui (et j’ai un lourd passif), je me sens légèrement victime de la dépression post-projet. Et pour cause ! Cela fait 8 mois que je suis bloqué à Roubaix à imaginer les étrangers que j’allais rencontrer, les cultures que j’allais découvrir et les nouveaux territoires que j’allais explorer.

Cette histoire commence début juin, notre partenaire sicilien me contacte afin de m’annoncer la bonne nouvelle. son prochain projet aura lieu fin Juillet. D’abord dubitatif, une seconde vague de SARS-CoV-2 pointant le bout de son nez, il me paraissait compliqué d’organiser un projet dans ces conditions. Après 2 annulations de vols pour le Maroc et le Canada, je n’étais pas très motivé à l’idée d’un nouveau bras de fer avec des compagnies aériennes pour obtenir remboursement de mes billets d’avion. Comme d’habitude, mon instinct de voyageur prit le dessus sur mes considérations matérielles et il ne me fallut que quelques jours pour décider avec Otto, ancien stagiaire à l’OFCI, de réserver 2 vols aller/retour pour la Sicile.

Dans la foulée, nous lançammes également le recrutement de 4 autres participants français ou étrangers résidants en France. Nous rejoindrons sur cette expédition pas comme les autres: Gédéon (rencontré chez E&D Engagés & Déterminés qui a participé en Janvier au dernier projet OFCI pré-COVID), Jade (ancienne camarade de classe en École d’Art), Virginie (contact avec qui je discute de diverses questions depuis déjà plusieurs années), Mathilde (candidate spontanée au profil intéressant et à priori compatible avec notre organisation). Par la suite, une nouvelle place sera ouverte dans l’équipe française étant donné l’impossibilité de l’équipe turque de gagner l’Espace Schengen. Nous décidons alors d’inviter Harri (nouvelle stagiaire à l’OFCI ayant débuté sa mission 10 jours avant le départ) à rejoindre notre groupe. 2 jours avant le départ, Mathilde nous fait faux bond mais Océane, qui est sur liste d’attente, se manifeste rapidement afin d’occuper la nouvelle place vacante.

Dimanche 26 Juillet 2020, c’est mon anniversaire. Je le fête en mangeant un Kebab dans un petit square parisien alors que j’attends l’Orly Bus qui doit nous conduire à l’aéroport avec Harri, Otto et Lina, une participante allemande. (Re)trouvailles à la porte d’embarquement du vol TO 3808 à destination de Catania Fontanarossa avec le reste des participants français à l’exception de Jade qui décolle de Lyon. Voulant reprendre des forces avant mon arrivée sur place, je m’endors dans mon siège 5A, le souffle sensiblement gênée par le masque respiratoire que je porte maintenant depuis 6h. Arrivé à l’aéroport de Catane, nous faisons connaissance avec Maja, Natalia et Dion, respectivement allemande, grecque et britannique. N’étant pas arrivés à temps pour prendre le dernier train, un 18 places vient nous chercher au Terminal. A peine mis en route, la musique sortant de l’enceinte Bluetooth d’Otto déclenche en nous une envie irrésistible de nous déhancher.  Le projet n’a pas encore débuté et pourtant notre petit groupe a déjà complètement lâché prise sur le train train quotidien abrutissant.

Arrivés sur l’hébergement, nous croisons anecdotiquement un grand nombre d’autres participants en train de terminer leur dîner. Un repas composé de pâtes, de frites, de steak-hachés agrémentés d’aubergines grillées nous attend malgré l’heure tardive. Après de chaleureuses embrassades avec l’équipe organisatrice, des braves gars que je n’avais pas vu depuis plus d’un an, nous décidons d’aller rapidement déposer nos affaires dans nos chambres. Rapidement puisque nous sommes déjà attendus sur la terrasse située sous le restaurant pour lancer les hostilités de la soirée d’anniversaire la plus dingue de mon existence. Réunissez 40 jeunes européens dans un lieu paradisiaque pendant 8 jours après avoir passé plusieurs mois confinés et imaginez ce qui peut en ressortir. En ce qui me concerne, je décide de me laisser prendre au jeu. On n’a pas tous les jours 28 ans. La glace se brise et les langues se délient alors que nous faisons connaissance les uns avec les autres. Nonobstant la perte de nos fonctions cérébrales les plus primaires, nous nous regroupons autour d’une tablette pour jouer aux cartes. Après plusieurs parties, nous nous dirigeons vers la piscine avec une douzaine de participants. Je prends mon premier Bain de Minuit (ou plutôt de 2h du matin) de l’année en très bonne compagnie. Beaucoup d’entre nous, participant à leur premier projet, m’avouent ne pas savoir à quoi s’attendre ici. Je les rassure sur le professionnalisme de l’équipe organisatrice et son expérience d’accueil de rencontres européennes. Tout le monde est très sympa, ouvert à la discussion et je dois me pincer pour y croire car le projet ne fait que débuter et pourtant il a déjà dépassé toutes mes attentes. Ne pouvant plus continuer la soirée dans les espaces communs, nous nous retirons dans un appartement quelconque et continuons de discuter jusqu’au petit matin.

A 8h30, je me réveille hypnotisé par le doux chant du climatiseur. La chaleur est torride dehors mais notre terrasse me fait de l’oeil. Je me lève pour aller observer l’incroyable vue sur une mer bleu saphir rejoignant un ciel électrique. Nous sommes 4 dans l’appartement. Le logement est confortable et spacieux. Il est situé à environ 25 mètres en contrebas de la colline qui mène au restaurant. Aucune activité sportive n’est prévue au programme mais c’est compter sans les aller-retour nombreux que nous allons réaliser pour prendre nos repas, participer aux activités, se dorer la pillule à la piscine ou faire la fête en soirée. A 8h30 la chaleur est déjà caniculaire. Un véritable plaisir pour votre cher serviteur qui aime transpirer. Après un petit déjeuner simple mais complet, je rencontre Pepe, un participant italien déjà bien rougi par l’astre de jour. Bien que visiblement il semble ignorant de l’existence de la crème solaire, je lui demande où je peux m’en procurer. N’ayant pas pris de bagage de soute, je dois tout acheter sur place (ou parasiter à mes camarades de chambre). L’hébergement étant assez reculé sur les hauteurs de la ville, aucun commerce n’est implanté à proximité. Pepe, magnanime, me fait pourtant don d’un tube de crème solaire indice 50. Consciencieux, j’utiliserai chaque once de cette magnifique invention évitant bien des coups de soleil.

Alors qu’habituellement les premiers jours semblent durer une éternité, ici, les heures défilent à grande vitesse. l’Après midi arrive déjà et nous nous réunissons avec les autres participants. Ceux qui n’ont jamais été initiés à l’éducation non formelle découvrent les Energizers. Les Energizers sont des jeux de groupe ne nécessitant rien d’autre qu’un grand nombre de joueurs, au moins 15 la plupart du temps. Ces activités d’introduction aux ateliers d’éducation non formelle servent à redonner de l’énergie aux participants et à ressouder le groupe à travers des exercices physiques alliant adresse et réflexes. Notre groupe remis en forme, nous débutons les activités du projet avec des jeux d’interconnaissance afin de briser la glace entre les participants, de mieux connaître les personnes avec qui nous allons partager la vie en communauté et de nous souvenir du prénom de chacun.

Le lendemain matin, pas de répit pour les lève-tard. A peine réveillé et encore assommés par la nuit, nous montons dans un bus direction Giardini Naxos pour une excursion à bateau. Séparés, nous montons dans 4 embarcations. Les moteurs rugissent et le vent nous caresse le visage alors que nous nous tartinons de crème solaire. Dans les contrebas de Taormine, nous contournons la minuscule et pittoresque petite île d’Isola Bella que certains d’entre nous avaient déjà eu la chance de visiter en 2019. Les bateaux arrêtent leur course à proximité d’une paroi rocheuse et s’arriment les uns aux autres. Personne ne se fait prier pour sauter à l’eau. Pendant que certains s’assoient sur des récifs et blablatent, d’autres, plus téméraires, grimpent sur des rochers. Après avoir passé une petite demi-heure dans une eau transparente sur plus de 10 mètres de fond, nous remontons dans les bateaux. Je monte dans un bateau différent de celui qui m’a amené jusqu’ici et l’accueil bienveillant du groupe grec m’incite à y rester. Ambiance festive oblige, nous ouvrons une bouteille de mousseux italien avant de nous déhancher sur de la pop hellénique.

Quelques activités sont encore à l’ordre du jour alors que nous retournons dans notre village de vacances accroché à la colline. Afin de souder encore davantage les participants et leur permettre de mieux se mélanger, nous allons devoir accomplir une Mission Impossible. Cette activité se résume simplement à accomplir différents défis en petits groupes internationaux de 8 participants. Ainsi nous avons par exemple dû nous prendre en photo en échangeant nos vêtements, nous filmer dansant la chorégraphie de “Skibidi” ou bien chanter le refrain de la chanson “Knockin’ On Heaven’s Door” de Bob Dylan en changeant les paroles pour les mettre en lien avec le sujet du projet.

Le lendemain, après avoir profité des différentes installations comme la piscine ou la salle de sport pour les plus courageux, nous nous rassemblons avec les autres participants avant d’être à nouveau séparés en deux groupes pour brainstormer sur la question de la tolérance et de l’acceptation. De nombreuses réflexions résultent des discussions que nous avons les uns avec les autres. Bien que la tolérance puisse être la première étape vers l’acceptation, nous concluons que la tolérance reste un terme négatif, méprisant et hypocrite. Contrairement à cela, l’acceptation nous semble être la véritable voie vers plus d’égalité et une meilleure compréhension de l’autre. Alors que l’activité va bientôt prendre fin, Emanuel, notre facilitateur-photographe qui s’occupe de mettre en place les activités, nous propose d’écrire sur une feuille quelque chose que l’on tolère dans la vie et d’expliquer chacun son tour pourquoi. Une fois le tour de table accompli, la feuille en main, nous immortalisons notre définition de la tolérance devant l’objectif de son appareil photo.

Le 4ème jour, nous profitons encore d’une journée allégée en activités, une chance au vu des températures élevées n’invitant pas à accomplir des efforts physiques ou intellectuels. Malgré les nombreuses soirées où nous avons déjà pu briser la glace, Emanuel nous invite à participer à un speed dating pour encore mieux nous connaître les uns les autres. Assis les uns en face des autres sur deux rangées de chaises, nous échangeons rapidement sur différents sujets liés à nos vies comme nos hobbies, nos études ou notre travail, sur les expériences les plus folles que nous ayons vécu. Le gong retentit toutes les 5 minutes pour nous inviter à remplacer notre voisin sur sa chaise pour échanger d’une nouvelle question avec un nouvel interlocuteur. Les rigolades s’enchaînent et tout le monde se prend au jeu sans retenue.

Après avoir discuté avec la plupart des participants, un petit groupe d’entre nous décide de prendre la navette de l’hôtel pour descendre la colline et faire bronzette à la plage. Je ne suis pas franchement convaincu de ce qui semblait une bonne idée quand je me rends compte que la plage que j’imaginais de sable fin est en fait rocailleuse. Les filles, elles, sont contentes de ne pas avoir à porter un bonnet de bain contrairement au règlement en vigueur à la piscine. Après avoir passé une ou deux heures à ne rien faire, nous nous mettons en route pour le supermarché afin d’acheter quelques ingrédients pour la soirée française. Nous sommes surpris que l’épicerie n’indique pas les prix et des problèmes techniques à la caisse finissent pas nous faire atteindre notre pic d’exaspération avec Otto qui est pourtant toujours d’humeur “chill”.

Après être rentrés et avoir dîné, nous nous attaquons à la préparation des crêpes pour la soirée française. Malgré le manque d’équipements et des ingrédients parfois peu adaptés, nous réussissons à obtenir une pâte à la consistance respectable. Malheureusement, la poêle et les plaques électriques auront raison de toute notre bonne volonté. Dans ces conditions, impossible de suivre notre très ancienne tradition datant du Printemps 2018 et nous nous dirigeons, honteux, vers la salle de conférence pour proposer malgré tout un apéro au fromage accompagné d’un quiz de culture générale.

Otto, très proactif comme à son habitude, nous invita lors du 5ème jour à répondre à son quiz sur les migrations. Les participants du projet purent ainsi confronter leurs connaissances sur les statistiques, les différentes institutions internationales et les problématiques des migrants et des réfugiés. Pour donner encore plus d’impact à cette activité, les organisateurs nous proposèrent un débat sur l’accueil des migrants et nous furent divisés en 2 groupes: pour et contre. Cette division fut parfois mal acceptée mais nous permit à tous de nous mettre dans les chaussures du camp opposé.

Afin de nous récompenser de notre sérieux, les organisateurs nous embarquèrent dans un bus à destination de Taormine, une très charmante petite ville historique. Malgré la présence de nombreux touristes, il était évident que la COVID19 avait eu un impact sur leur présence massive que j’avais pu constater en Avril 2019. Pour se rafraîchir, certains allèrent s’abreuver à la fontaine publique quand d’autres préférèrent se tourner vers de délicieuses glaces à la pistache. Notre groupe s’était déjà dispersé un peu partout quand, accompagné par le brave Gédéon, j’alla me perdre dans la fraîcheur des jardins de Taormine désertés par les visiteurs de la ville. Après quelques conversations intéressantes, nous rejoignîmes d’autres participants partis à la conquête des hauteurs du colisée grec. L’après midi fut, certes courte, mais pleine d’Histoire, de Culture et d’Exploration.

Les journées suivantes, des activités diverses et variées comme du théâtre et des sessions d’évaluation nous attendaient encore et certains participants ont pu profiter d’une matinée de temps libre pour se lancer à l’assaut du sommet de l’Etna.

Après avoir fêté comme il se doit la soirée d’Adieu, chacun regagna son foyer, des souvenirs fous et totalement déconnectés de la nouvelle réalité que nous avons malheureusement découvert avec l’arrivée de l’épidémie.

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